CHRONIQUE DU NOUVEAU KATATONIA « CITY BURIALS » : UN BRASIER D’EMOTION, SI BEAU, SI INTENSE!

Partagez !

Note de la rédaction :
/5
KATATONIA VERSION 2020

KATATONIA VERSION 2020

Un KATATONIA d’une efficacité redoutable, mais toujours aussi mélancolique dont la qualité principale est de varier les plaisirs

Cela fait trente trois ans (1987 fut l’année de création du groupe suédois) que deux gamins complices (JONAS RENKSE (chant)/ ANDERS NYSTROM (guitare), adolescents, traînant dans la ville de STOCKHOLM, ont su trouver un terrain de jeux unique, une passion commune bien plus grande que toutes les autres réunies pour des gosses de leur âge. Avançant pas à pas, les deux deviennent de plus en plus complices, peu sereins et novices au début, mais cela deviendra tout un parcours de vie, humain et musical. Un binôme authentique qui fit traverser les sons de KATATONIA sur trois décennies, une entité cherchant durant toutes ces années continuellement à évoluer, parfois même à changer de style sans se préoccuper de ce qui aurait pu faire d’eux des stars faciles et abordables (musicalement).

 

Toute une carrière (ou presque) à explorer, à expérimenter, évitant ainsi la lassitude des musiciens envers leur groupe, mais aussi d’un public toujours plus exigeant, pressé, et parfois non connaisseur. Une des clés, sans doute, de la réussite et de la longévité de KATATONIA. Alors il paraissait évident qu’après un cycle de tournée aussi harassant comme avec leur album précédent THE FALL OF HEARTS (2016) d’environ de deux ans, que le groupe soit si éprouvé qu’il puisse envisager de se remettre en question quant à la pertinence de leur projet. Heureusement ce n’était qu’une forme de lassitude (ce qui finit toujours par arriver, surtout après tant d’années), due à rythme de tournée toujours plus gigantesque et vertigineux, pour les groupes de statures mondiales, sans doute la faute à un système, qui est aussi la cause d’un changement de l’industrie musicale.

 

KATATONIA fit quand même une « pause », sans savoir s'ils reviendraient, la première depuis l’existence du groupe. Prendre du recul, consacrer du temps à sa famille, se reposer, faire autre autre chose pour savoir si le manque et la flamme sont toujours présents pour deux adultes dont toutes les attentions et les sollicitations n’ont toujours (ou presque) tourné qu’autour du concept KATATONIA depuis très jeunes. Après ce temps off, qui ne fut que partiel pour JONAS, puisqu’il n’a jamais cessé de composer, le groupe put de nouveau se réunir réalisant ô combien leur KATATONIA leur manquait. Les doutes furent surmontés par l’excitation et l’étincelle d’entrevoir la conception d’un nouvel album tous ensemble, dont JONAS avait déjà écrit une bonne partie de la musique et des textes. Comme une addiction, JONAS ne put s’arrêter d’écrire et dès la sortie de THE FALL OF HEARTS (2016), il commença à le faire sans y mettre de but particulier, sans pressions, ni contraintes, à son rythme, tranquillement dans l’intimité. Ce qui fut un avantage certain pour débuter la réalisation de ce onzième ouvrage, CITY BURIALS. Et même si JONAS fit la grande majorité du travail en amont, tout le groupe fut impliqué dans sa réalisation, que ce soit avant ou pendant l’enregistrement. Un travail d’équipe qui vit en plus l’apport extraordinaire de ROGER OJERSSON (lead guitare) qui prit part à l’enregistrement de son premier album avec les suédois en tant que membre à part entière du groupe. Certes il était arrivé en 2015, mais après l’enregistrement de THE FALL OF HEARTS (2016). Un atout considérable pour le groupe, apportant une réelle plus value aux compositions, une touche de fraîcheur, ainsi que quelques soli purement jouissifs. Un grand guitariste, dont le talent imprègne de superbes morceaux comme sur le surprenant « behind the blood », entraînant et aux couleurs heavy métal des années 80’ (inspiré par la reprise que le band effectua du morceau « night comes down » de JUDAS PRIEST (DEFENDERS OF THE FAITH 1984) sur son précédent disque, qui fut également joué en live). Et que dire de ce long solo sur le titre final « untrodden »!

CITY BURIALS est d’une simplicité apparente, mais ce n’est qu’une façade

CITY BURIALS est un manifeste des souvenirs et de la nostalgie des jeunes années passées par JONAS à STOCKHOLM, sa ville natale, qui façonnera l’homme qu’il est devenu aujourd’hui. Ce qui lui inspirera également le titre de ce nouvel album après avoir vagabonder dans son quartier d’origine. La thématique forte du temps qui passe, à travers de très beaux textes sur des sujets délicats et difficiles (vieillir) à appréhender pour tous. L’illustration de LASSE HOILE (très originale) représente l’ère actuelle du DEAD END KINGS, personnage qui apparaît sur la pochette, et qui n’est pas forcément lié à l’album DEAD END KINGS (2012) qui faisait référence au groupe. Alors qu’ici le DEAD END KINGS est une entité, responsable des souvenirs, celui qui les fabrique en quelque sorte. De petits détails reliant parfois les albums mais sans y voir de concepts particuliers. Même si KATATONIA se plaît à écrire sur les mêmes types de sujets.

Côté musique, THE FALL OF HEARTS (2016) se voulait complexe et plus progressif, CITY BURIALS se veut bien différent, plus accessible, avec des morceaux plus concis et d’une très grande variété, mais sans y perdre sa force émotionnelle. Elle se veut réduite mais sans être altérée. Un KATATONIA d’une efficacité redoutable, mais toujours aussi mélancolique dont la qualité principale est de varier les plaisirs. Parfois au sein même du titre comme « heart set to divide » qui intronise CITY BURIALS. Désarçonnant au début, car ne suivant aucune structure traditionnelle (couplet/refrain), la voix de JONAS s’y pose pour faire respirer une ambiance douce et feutrée, avec de légères et discrètes percussions en arrières plan. La chanson prend une toute autre tournure par la suite pour devenir plus rythmique et nerveuse, comme le sentiment d’avoir vécu une deuxième histoire, au cours d’une seule vie. KATATONIA se permet même de gros écart stylistique dans CITY BURIALS, passant d’un metal OLD SCHOOL avec « behind the blood » à une chanson comme « vanishers » très minimaliste, de légères nappes de clavier aux sons électros, quelques notes de guitare (bien senties), puis l’émotion se focalisant sur l’enchevêtrement des deux voix. JONAS y mêlant son timbre à la voix féminine d’ANNI BERNHARD (FULL OF KEYS) comme le mariage le plus heureux. On pourrait faire le même constat à chaque fois, chaque titre ayant son pendant sur le suivant. Le surprenant « lacquer » où la voix de JONAS s’envole sur des sons artificiels aux goûts trip-hop, contrastant avec le bien plus sombre « rein », au riffing grandiose, renvoyant l’auditeur par instant au KATATONIA proche de son DEATH d’origine, avec une musique en perpétuel mouvement, pratiquant l’ascenseur émotionnel grâce à plusieurs niveaux d’intensité, étourdissant les sens.

 

Cependant, malgré la grande singularité de KATATONIA, celui-ci nous laisse entrevoir qu’il n’est pas insensible aux influences extérieures de son monde, y laissant pénétrer des sonorités sur « city glaciers » digne de la romance d’un A PERFECT CIRCLE, et quant-on parle de « cercle parfait », tapis dans l’ombre le spectre TOOLIEN n’est jamais très loin, s’invitant lui dans les sonorités très rock de « neon epitaph ». CITY BURIALS est d’une simplicité apparente, mais ce n’est qu’une façade, une œuvre sculpturale, d’une grande complexité musicale et sentimentale, dont l’immense variété se veut très déstabilisante, sans pour autant que le groupe y perde son identité, ne se fourvoie, ne se travestis à être ce qu’il n’est pas. KATATONIA reste et restera emprunt de tristesse, de mélancolie et de noirceur. Extrêmement difficile de poser des mots sur des choses qu’on ne semble pas toujours comprendre, la réflexion nous échappe, écartant toute intellectualisation, pour guider nos pas sur le seul chemin des sentiments que nous offre la vie. KATATONIA est très grand faisant de ce CITY BURIALS l’un de ces chemins pour y fendre nos cœurs irrémédiablement.

CITY BURIALS (PEACEVILLE RECORDS).

LINE-UP:

JONAS RENKSE: CHANT, COMPOSITIONS, LYRICS
ANDERS NYSTROM: GUITARE
ROGER OJERSSON: GUITARE
NIKLAS SANDIN: BASSE
DANIEL MOILANEN: BATTERIE

CITY BURIALS a été produit par le guitariste ANDERS NYSTROM et le chanteur JONAS RENKSE et a été enregistré au SOUNDTRABE  STUDIOS, au TRI-LAMB STUDIOS et au CITY OF GLASS en octobre et novembre 2019 avec l’ingénieur KARL DANIEL LIDEN. L’artwork est l’oeuvre de l’artiste LASSE HOILE.

PAPABORDG POUR LOUD TV (chronique dédiée à mon pote BIG BEN).

Note: 9/10.

POCHETTE DE CITY BURIALS DE KATATONIA

POCHETTE DE CITY BURIALS DE KATATONIA

Partager cet article