MAUDITS – Entretien avec Olivier Dubuc

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Note de la rédaction :
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Il est parfois des premiers coups qui sont des coups de maître. L'illustration que Maudits nous donne avec son premier album éponyme en est l'illustration parfaite. Sur les cendres de leur précédent groupe, le trio a produit une œuvre majestueuse, transposant des émotions fortes et souvent négatives  en un opus d'une très grande richesse musicale. 
 

MAUDITS  - Entretien avec Olivier Dubuc

Bonjour Olivier, comment vas-tu et comment va le groupe ?
On va très bien, on est en pleine promo, et on lance de nouveaux projets. C'est excitant, c'est cool

Vous êtes un jeune groupe, venant de différents horizons. Comment est née l'envie de vous réunir ?
Anthony le batteur, Christophe le bassiste et moi,  jouions ensemble depuis une dizaine d'années dans notre précédent groupe The Last Embrace, un groupe plus rock progressif. Après la fin du groupe, on a décidé de se remettre en selle. On est allé en répét, on a vu ce qui en sortait et ça a donné l'état d'esprit que l'on entend sur l'album aujourd'hui

C'était un besoin de vous relancer, d'exprimer autre chose ?
On avait vraiment besoin de continuer à faire de la musique ensemble. Je tenais beaucoup à mon précédent groupe. J’ai dû splitter pour des raisons diverses.  Cela m'a vraiment fait mal. J'ai voulu relancer quelque chose tout de suite. J'avais des idées en stock. J'ai demandé à mes compères de m'accompagner. Tout s'est enchainé, ça a été spontané, rapide, créatif et dans une bonne ambiance. C'était finalement la meilleure chose à faire 

D'un splitt, vous avez fait quelque chose de nouveau et de très excitant ?
Exactement. On voulait du changement. J'aimais beaucoup la musique que je faisais avant. Mais je voulais quelque chose de plus lourd, un peu plus sombre. On n'avait pas forcément pensé au coté instrumental au départ. On a foncé, ce n'est pas plus mal que ce soit spontané, puisqu'on en est très contents

Comment avez-vous assimilé vos différentes influences pour donner une cohérence à cet album ?
Christophe et moi partageons le même goût pour le métal assez sombre et lourd – la scène doom des années 90 – des groupes comme Mastodon. Ainsi que des choses plus récentes et puissantes avec un côté plus progressif assez nerveux. J’aime aussi des groupes instrumentaux, ainsi que la musique de film.

 
On construit notre musique comme de la musique de film. En toute modestie, parce que les compositeurs de musique de films sont vraiment très doués et qu'on n'a pas le quart de leur don. Mais c'est un peu l'esprit qu'on a voulu donner à notre musique.

Anthony, lui a un gros background technique, il est fan de plein de choses et notamment de hardcore.

Votre album est plus qu'une BO de film, que ce soit un album instrumental rend son écoute plus exigeante. C'est un album très riche et « qui se mérite"
Je suis complètement d'accord. Quand je parlais de musique de film, je parlais plus de la manière dont les compos sont articulées, avec des thèmes qui reviennent de droite à gauche et des plages assez longues. On reste un groupe de métal, et de rock. Et on ne va pas décrocher SkyRock ou Energie avec du rock instrumental et un premier morceau qui fait 13 mm 25. Mais ce n'était pas notre but.

 
J'aime beaucoup la musique qui se mérite.  Ce n'est pas forcément prétentieux de dire ça, c'est juste que ce n'est pas quelque chose d'immédiat, de par la longueur des morceaux, de la manière dont c’est articulé. Il faut avoir l'oreille ouverte à ce genre d'état d'esprit pour entrer dedans plus ou moins rapidement.

Comment arrivez-vous à faire passer toutes vos émotions à la seule force de vos instruments ? Et comment avez-vous donné une cohérence à cet album ?
Ce n'est pas très explicable, ça vient naturellement. C'est souvent la mélodie de la guitare qui donne un point de repère, comme un chant. Pour moi, c'est vraiment de la musique qui sort des tripes. On a fait vraiment ce qui nous plaisait, sans aucun compromis. On n'a pas réfléchi, notre seule exigence, c'était quelque chose de cohérent du début à la fin, avec des morceaux et des idées qui s'enchainent bien.

 La cohérence est quelque chose qui se travaille, qui vient avec les années. Les musiciens de mon précédent groupe avec qui je joue, ont assez d’expérience pour bien mettre en place cette cohérence. On arrive mieux à gérer nos idées, à les organiser d'une certaine manière pour en faire un tout "intéressant" du début à la fin. Les styles des morceaux sont assez différents : il y a un morceau qui est très doom, un autre qui est presque qu'un peu plus rock et progressif, et il y carrément une plage avec du violon et des passages ambiants. Le retour que j'ai, est que les morceaux pris individuellement ne se ressemblent pas vraiment. Même s’il y a une ligne directrice au niveau de la production et de l'ambiance, la manière dont chaque morceau est construit est assez variée. J'avais lu dans une des premières chroniques,  une critique que je trouve assez juste : "Tous les morceaux s'enchaînent sans vraiment se ressembler, par contre tout est cohérent". C'est le plus beau compliment pour moi.

MAUDITS  - Entretien avec Olivier Dubuc

Vous dites dans votre bio que « vous avez été motivés par le besoin cathartique de libérer vos émotions, et de trouver l'équilibre entre lumière et néant. » Etes-vous allé chercher des émotions négatives ?
On ne les a pas cherchées, elles étaient là. A titre personnel, cette année a été difficile.  J’avais beaucoup travaillé sur mon précédent projet qui représentait vraiment une grosse partie de ma vie, même si ce n'était pas un truc à succès. J'y avais mis beaucoup de temps, d'énergie, d'émotion et ça a été très dur de splitter.  C'était une blessure profonde et il y a eu, en effet, un besoin cathartique de refaire de la musique. On a tous nos propres moyens pour exprimer nos émotions : moi c'est faire de la musique dès que je peux. Je pense que l'aspect émotionnel dans notre musique est capital. Je fonctionne comme ça dans ma vie et dans ma musique.

C’est presque une thérapie ? 
Cela n'a pas tout guéri, mais ça m'a fait du bien. Etant donné qu'on ne vit pas de notre musique et qu’on n’en vivra certainement jamais, il faut que ça serve à quelque chose d'autre que de mettre en avant son ego. L’ego est une part importante de la musique, mais ce n'est pas que ça, il faut que ça serve à purger quelque chose. Je pense que c'est le cas de beaucoup de musiciens underground.

Solace est un morceau sublime, très lumineux. Il m’a fait penser à la BO de Blade Runer de Vangelis. Comment l’avez-vous composé ? 
Je suis content que tu le mettes en avant. Ce n'est pas le morceau qui va ressortir le plus dans les chroniques à cause de son côté ambiant. Mais je l'aime beaucoup et la comparaison est juste. Il ressemble à une musique de film avec la présence des violons. 

En anglais Solace veut dire réconfort et c'est pourquoi elle a été placée à cet endroit de l’album. Elle vient après un morceau lourd et sombre. Quand j'ai terminé la plage, je me suis dit que c'était un petit moment de lumière. C'est mélancolique, mais on respire un petit peu avant de repartir dans l'enfer.

 
L’artwork est superbe et complètement atypique. Comment vous est venue cette idée de broderie ? 
Je voulais que ça se passe en famille. Il a donc été fait par ma sœur, qui  compte beaucoup pour moi, et par son copain qui joue dans les groupes Throane et Ovtrenoir. Ce sont deux groupes différents, mais ce sont des gens très proches. Mon beau-frère est graphiste de profession. Il est très connu dans le milieu underground et il a beaucoup travaillé avec des artistes beaucoup plus connus que nous. Ma sœur s'est mise à la broderie récemment et ils ont trouvé du premier coup ce qu'on avait en tête. La broderie est quelque chose d'original que je n'ai jamais vu ailleurs. Ça donne quelque chose d’assez ouvert et c’est vraiment la manière dont on conçoit notre musique et les rapports humains.

 
L' artwork sera différent entre le CD et le vinyle ? 
La broderie a été prise en contre plongée pour le CD. En ce qui concerne le vinyle, une autre broderie a été faite avec le logo et en gardant le cerclage (tambour à broder NDLR). On a trouvé intéressant de faire deux covers parce que ce sont deux expériences d’écoutes différentes. Le CD s’écoute d’une traite, alors qu’il faut retourner le vinyle, ce n'est pas la même expérience. Les morceaux sont les mêmes, mais l’ordre d’écoute et les silences ont une importance capitale pour nous. 

Il faudra se procurer les deux opus, pour avoir deux objets différents. De plus, acheter l’album permet de matérialiser le travail des musiciens 
Je ne me fais pas l’illusion, l’album va se retrouver certainement sur Spotify. On a prévu pour la version Bandcamp des petits bundles avec les versions CD et vinyle peu chers. On n’est pas là pour faire des millions d’euros, juste pour diffuser notre musique à une prix modique

On n’aborde pas l’écoute musicale et on ne compose pas de la même manière pour un format physique ou un format numérique. Composer un single pour Spotify n’est pas le même investissement que de composer un album de 45 mm qui va nous prendre un an et demi de boulot. Je suis peut-être old school, mais je vois les choses de manière physique, même si le numérique est incontournable et qu’il faut le prendre en compte 
 

Artworks CD et LPArtworks CD et LP

Artworks CD et LP

Parlez-nous de votre clip ; Il est très long (13 mn environ), il est très fort en symboles, pouvez-vous nous le décrypter ?
C’est le concept que j’avais donné au graphiste dont je te parlais : Dehn Sora. Il a repris les thèmes qui sont à l’intérieur de chaque morceau, et toutes les illustrations de la cover qu’il a animé en 3D. Ce sont les symboles de la malchance. Ça donne quelque chose de très contemplatif, d’assez lent, mais pas du tout ennuyeux. Il y a beaucoup de plans, mais ce n’est pas un clip qui va dans tous les sens. On ne voit pas les 13 minutes passer. Il a fait exactement ce qu’il fallait du premier coup et ça colle parfaitement avec la musique. C'est quelqu'un qui a l’habitude de travailler sur des choses beaucoup plus sombres, mais il a en même temps ce côté lumineux qui colle parfaitement à notre musique. C’est pourquoi je peux dire, et c’est de notoriété publique, que c’est un graphiste très doué. 

Vous êtes un trio de musiciens avec des musiciens invités sur l'album. Comment allez-vous rendre tout ça sur scène (quand il y aura de la scène)  ?
Pour le moment comme tout le monde le sait, c’est compliqué. Mais on a beaucoup travaillé dessus, on sera prêt quand on pourra refaire des lives. Je vais utiliser beaucoup de boucles avec une pédale de boucles de Loop que j'enregistre en direct pour cumuler les mélodies et les boucles en temps réel avec un click. Je pourrai donc rendre le côté touffu et charnu des guitares sur scène, avec quantité d'effets, beaucoup de choses. C'est un gros travail, mais ça me plait. Pour ce qui est des violons, on ne pourra pas les inviter à chaque concert, c'est trop cher et compliqué, mais il y aura des samples. On a travaillé en répét et ça donne un côté plus rentre-dedans moins lyrique, mais il y aura tous les ingrédients sur scène 

 Comment vois-tu l'évolution de ce groupe : pourriez-vous évoluer vers un groupe avec un chanteur ? 
S'il y a du chant, ce seront des invités qui seront là pour un ou deux morceaux, mais je pense qu'on va rester dans cette configuration. Pendant le confinement, on s'est envoyé beaucoup d'idées, et on a un album qui est quasiment prêt à être enregistré. Toutes les démos sont prêtes, il ne manque que les arrangements. Ce sera un album instrumental, je trouve que c'est intéressant et que ça nous représente bien. On va rester comme ça dans l'immédiat

Je vais te laisser le mot de la fin  
On est content de défendre notre album, au moins en promo. C'est un projet qui me tient vraiment à cœur et sur lequel on a beaucoup bossé, pour lequel j'ai envie de beaucoup donner, maintenant et sur le long terme. Est-ce que ça va durer ? On fait tout pour que ça sonne bien, pour que ça nous intéresse ainsi que notre public. Les premiers retours vont dans ce sens et j'espère que ça continuera 

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